Entretien de No Mistrals for Putin sur France Culture



Sur la route..., Julie GACON avec Yvon CROIZIER & Sophie BOBER

Interviews:
- Xavier YOU, Nazairien, militant No Mistrals for Putin
- Bernard GRUA, porte-parole No Mistrals for Putin

Podcast du 3 Octobre, 2014 

Réécouter Sur la route... du Mistral à St Nazaire 
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Extraits

Julie Gacon / Xavier You


Julie Gacon:
Nous sommes devant l'entrée principale du port de Saint-Nazaire, à côté de l'écluse, devant la base de sous-marins. Et là, on pensait le voir, mais il n'est pas là.

Xavier You:
Oui, bien sûr, le Vladivostok n'est pas là. Il sera là demain.  On peut apercevoir quand même le Smolny, d'ici.

JG:
Le Smolny? 

XY:
Oui, au fond, là bas, qui sert d'hôtel aux 500 marins russes, qui composent les deux équipages venus pour prendre les commandes du Vladivostok, le premier, puis du Sébastopol, par la suite. Si la livraison se fait. Pour ça, il faudrait être dans la peau de Monsieur Hollande. Dans le secret des dieux. 

JG:
Le Vladivostok est donc parti en mer pour des essais. Il vous manque ? 

XY:
Non, mais quand je vais faire mes courses au magasin Lidl, là bas, on l'aperçoit à partir du Lidl. Et, là, on ne l'aperçoit pas. On ne le voit pas du tout, du tout. 

JG:
Parce qu'il fait où, ses essais?

XY:
C'est un mystère. Personne ne le sait. Ça fait partie de l'atmosphère de mystère qui plane autour de ce bateau.

JG:
Ce n'est pas la première fois que le Vladivostok part en essais. Est-ce qu'il vous est déjà arrivé de craindre qu'il ne revienne pas ? 

XY:
Oui, bien sûr. C'est un scénario rocambolesque. Mais, Monsieur Poutine nous a habitués à ce type de scénario rocambolesque. Il n'a prévenu personne lorsqu'il a annexé la Crimée. Peut être qu'en ce moment, il est en train de mijoter une intervention dans les pays baltes. Et personne, ici, ne le sait.

JG:
Vous parliez tout à l'heure d'un mystère qui entoure ce Mistral. Ici, à Saint-Nazaire, est ce que les habitants de Saint-Nazaire vivent autour de ce spectre ? Est ce qu'on peut parler comme ça ? 

XY:
Non, je pense que beaucoup ne s'en soucient guère. Je ne vois pas de mouvement de grand intérêt pour ou contre la livraison de ces bateaux dans la population. Il faudrait pour cela pénétrer dans l'intimité de chaque famille. 

JG:
Vous n'avez pas été contacté par le KGB ?

XY:
Non. Peut être que d'autres ont des certitudes en disant nous sommes certains que les commerçants sont tous d'accord pour construire ce bateau, le suivant, et pourquoi pas encore un autre. Ca donnerait du travail. C'est bien d'avoir du travail. Les Allemands ont donné du travail, aussi, en construisant cette base de sous-marins. Ce n'est pas un argument.
Je n'ai pas de certitudes non plus, en sens contraire. On ne voit pas ici de "Smolny  Go Home!", par exemple, comme il y avait dans les temps héroïques de la lutte de la gauche contre la présence américaine en Europe. Il y avait les US Go Home qui fleurissaient. Ici, on ne voit pas de Putin Go Home. 

JG:
Vous, monsieur, vous êtes un Nazairien, pur jus. Et vous êtes de ceux, les quelques personnes à Saint-Nazaire, qui interpellent le président de la République François Hollande, sur le fait qu'il ne doit pas livrer ce Mistral à la Russie de Vladimir Poutine. Mais vous voulez rester anonyme pour en parler ? Pour quelles raisons ?

XY:
Eh bien, parce que le conseil municipal, qui n'est pas anonyme, reste muet sur cette question. C'est facile d'évacuer toute question en disant, cela ne dépend pas de nous. Les chantiers STX aussi vous diront cela ne dépend pas de nous. On se croirait dans un pays socialiste. Quand on sait que ces bateaux, qui sont des porte hélicoptères ou des postes de commandement, sont justement le type d'engins sophistiqués qui permet par exemple de boucler la mer d'Azov complètement pour asphyxier le port de Marioupol, où qui permet d'intervenir à partir de Kaliningrad, dans la mer Baltique. Il y a de quoi être inquiet. Quelle sera la réputation de Saint-Nazaire ?  On a déjà cette base de sous-marins, qui n'a rien de glorieux. Qu'est ce que cela sera si Saint-Nazaire reste dans l'histoire, comme la ville où ont été construits ces bateaux qui, ensuite, ont servi à des agressions. On se sent interpellé.
Donc, si le conseil municipal ne peut pas décider, il a les moyens d'émettre des vœux pour qu'il y ait un vrai débat au Parlement et non pas des consultations de groupes parlementaires qui restent feutrées, dont on a peu d'écho.

JG:
Est ce qu'il vous arrive à vous, en tant que Nazairien, de vous promener sur le port et de vous asseoir sur un banc comme nous l'avons fait pour observer le Vladivostok quand il est là ? 

XY:
Ce qu'on peut faire, c'est se mettre devant les grilles pour regarder les quelques matelots qui jouent au football, au volley ball, comme on regarderait des animaux dans un zoo ? Non, ce n'est pas propice aux rêves. Pas du tout. Je ne tiens pas non plus à m'adresser à eux pour savoir ce qu'ils pensent de leurs dirigeants. C'est à eux d'avoir un peu d'esprit critique. Et puis, dans les années qui viennent, peut être de réagir face à la fuite en avant, qu'à mon avis, l'administration russe va effectuer. S'il pouvaient se révolter comme les marins de Kronstadt, jadis, j'en serais ravi.
Vladivostok, en russe, signifie le dominateur de l'Orient. Ces bateaux ne sont pas faits pour être des bateaux de croisière. L'avenir nous dira comment, de quelle façon, ils seront utilisés. Mais comme dit Bernard Grua, nous aurons fait notre devoir. Ça paraît un peu pompier comme ça, mais c'est vraiment ce que je pense.

JG:
Vous êtes au clair avec votre conscience ? 

XY:
Tout à fait. 

Julie Gacon /Bernard Grua


Julie Gacon:

Bernard Grua, c'est vous les manifestations contre le Mistral à Saint-Nazaire. Alors, je crois que depuis le début de l'année, il y en a eu quatre. En mai, en juin, en septembre. C'est vous, Bernard Grua, qui les avez initiées et qui les avez organisées. Vous ne vivez pas à Saint-Nazaire, mais à Nantes. On lit dans les journaux régionaux que vous êtes chef d'entreprise nantais. Qu'est-ce qui fait qu'aujourd'hui, vous vous sentez le devoir d'intervenir sur la scène locale, mais aussi, plus largement, à une échelle beaucoup plus grande, pour dire qu'il ne faut pas que la France vende ses Mistral ? Pourquoi vous? 

Bernard Grua

Alors, qu'est-ce qui m'a amené à m'intéresser aux Mistral ? Ma réaction est effectivement une réaction citoyenne. Elle n'est guidée que par mon intérêt pour les valeurs de mon pays et, je dois le reconnaître aussi, pour ma propre tranquillité. Parce que si je ne fais rien contre cette livraison des Mistral, je pense que je me le reprocherai tout le reste de ma vie. Je sais ce que peuvent faire ces navires puisque j'ai fait mon service dans la marine en tant qu'officier. J'ai très bien compris à quoi serviraient ces navires. Je me suis dit que ce n'était pas possible humainement, moralement, de livrer ces navires à Poutine. La Russie n'est pas une démocratie. Vous savez très bien que c'est un régime autocrate et criminel. Alors après, que faire ? 

Il fallait mobiliser l'opinion mondiale et c'est ce que nous avons fait avec Dimitri Halby, basé en Irlande, et Clément Chenaux, basé à Kyiv. On s'est dit, il faut qu'on lance un mouvement mondial. Il n'y a que comme ça qu'on arrivera, il faut être très clair, à faire pression sur Hollande. On a eu de très nombreuses interventions officielles de gouvernements qui se sont opposés et qui ont dit à la France: ne faites pas ça.

JG:
S'ils ne sont pas livrés, qu'est-ce qu'on en fait de ces deux navires dont l'un mouille fièrement sur le quai de Saint-Nazaire. 

BG:
Aucun de ces deux navires ne mouille "fièrement" le long d'un quai de Saint-Nazaire. Le Vladivostok était dans le bassin de Penhoët. Il n'est plus à Saint-Nazaire. Il est à Montoir de Bretagne. Il n'est pas accessible. Il est entouré d'un très grand enclos, de manière à ce que personne ne puisse l'approcher. Ne pas savoir ce qu'on y embarque. Ne pas savoir quand il part. Ne pas savoir quand il arrive. Donc, il ne mouille pas fièrement. Il est honteusement caché dans un endroit inaccessible.

JG:
Mais alors, qu'est-ce qu'on en fait de ces bateaux ? 

BG:
Attention, ce n'est pas n'importe quoi. Ce sont des bateaux très performants, qui savent faire beaucoup de choses. Le Mistral est un bateau qui sait quasiment tout faire. C'est ce qu'on appelle le couteau suisse de la Marine française. Et il saura encore faire plus de choses dans sa version russe, parce que les Russes ont décidé de l'équiper de façon beaucoup plus offensive. Les Mistral russes pourront descendre des avions à 16 000 mètres de distance. Ça vous dit peut-être quelque chose. Donc, qu'est-ce qu'il faut en faire ? Il faut bien évidemment les vendre, ou les louer, à des paysqui respectent les droits de l'homme.
Maintenant, effectivement, la question économique est le premier alibi qui a été brandi pour continuer ce deal. Il faut, quand même, qu'on m'explique, pourquoi le fait de ne pas livrer les Mistral à Poutine susciterait une catastrophe économique. Ce contrat des Mistral est achevé à 80 %. Aujourd'hui, il reste environ 40% du Sébastopol à construire. Et c'est tout. Ceci concerne 300 emplois et non pas des milliers d'emplois.
Ensuite, nous, on dit ne livrons pas à Poutine. Mais on ne dit pas qu'il faut arrêter la construction du Sébastopol. Ça serait de la folie furieuse d'avoir construit un bateau  à 60% et de le laisser pourrir. Parce que là, c'est vous et les travailleurs de Saint-Nazaire. qui allez le payer. Donc, il faut le terminer. Et puis, mettons nous, enfin, à la recherche d'autres clients.
Il y a un point du débat économique qui est totalement occulté. C'est les conséquences de la livraison de ces Mistral à Vladimir Poutine, en termes d'activité économique en France. Ce sont des dizaines de milliards d'euros de marchés publics que nous allons perdre. On va parler, par exemple, juste de la Pologne. Regardez le nombre d'appels d'offres pour lesquels la France est sur la short list.Si on livre ces Mistral, la France sort de la short list. Et c'est le cas pour tous les pays qui entourent la Russie.Et peut être d'autres.
Donc, il n'y a pas de débat. Il y a des faux prétextes qui sont donnés pour affoler la population et faire en sorte qu'elle ne réfléchisse pas.

JG:
Qu'est-ce que vous avez vu de ce bateau ? Vous y allez souvent pour le regarder ? Qu'est-ce qu'il représente pour la ville de Saint-Nazaire et pour les Nazairiens ? 

BG:
Un fantôme. On n'en parle plus ou moins. Un petit peu, mais je crois, aujourd'hui, il présente principalement un sujet d'embarras.

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