Guerre en Ukraine. Quand le conflit s’invitait sur les quais du port


GUERRE. En 2014, la vente de deux navires militaires à la Russie construits aux chantiers de Saint-Nazaire avait été au coeur d’un enjeu politique et diplomatique. Avant d’être finalement annulée.

 Article Presse Océan  DIMANCHE 27 FÉVRIER2022

Ce dimanche 1er juin 2014, les drapeaux ukrainiens flottent sur les quais du port de Saint-Nazaire. Au pied d’un imposant bateau militaire de 199 m dont le nom s’écrit en cyrillique sur sa coque grise : Vladivostok. C’est le premier des deux BPC (bâtiment de projection et de commandement) de la classe Mistral construits au chantier de Saint-Nazaire (STX à l’époque) pour la marine russe. En ce début d’été, l’hostilité à la vente de ces deux navires de guerre à la Russie monte crescendo après l’annexion de la Crimée par Vladimir Poutine et les premières opérations militaires dans le Donbass ukrainien.

«Si les Russes avaient aujourd’hui les deux Mistral, on serait super mal»

Dans ce contexte géopolitique tourmenté, la France brandit une menace d’annulation du contrat signé en 2011, synonyme de bouffée d’oxygène pour la construction navale nazairienne alors au creux de la vague. Il sera finalement suspendu quelques semaines plus tard, en septembre. En attendant, les opposants à la vente des Mistral s’activent avec le comité «No Mistral For Putin » initié par le photographe nantais BernardGrua. «Il fallait créer un événement avec des manifestations visuelles pour que les gens s’y intéressent », dit il.

La cité portuaire se retrouve alors liée, malgré elle, à un conflit militaire qui se déroule à des milliers de kilomètres. D’autant qu’au même moment, 400 marins russes sont à Saint-Nazaire pour se former au maniement des navires, au gré de sorties en mer prétexte à une guerre d’intox orchestrée par les médias pro-Poutine.

«La conscience plus tranquille»

« L’Histoire donne raison à ceux qui s’étaient opposés », note Bernard Grua. D’abord parce que la vente des deux bateaux militaires a effectivement été annulée par Paris en septembre 2015, au profit d’une revente à l’Égypte. Ensuite – et surtout – au regard du scénario de guerre qui s’écrit en Ukraine. "Si les Russes avaient aujourd’hui les deux Mistral, on serait super mal", souffle celui qui assure rester un « spectateur avisé» des événements qui se déroulent à la frontière russo ukrainienne. «C’était la bonne décision d’annuler la vente». Jérôme Dholland, représentant CFDT au chantier, ne  dit pas autre chose: «On avait la conscience plus tranquille».

NicolasDahéron



Entre enjeux industriels et diplomatiques

Le sujet Mistral a été sensible dès les premières discussions commerciales engagées en 2010. Le souvenir de l’intervention russe en Géorgie (en 2008) était encore vif. La vente d’armes de guerre à Vladimir Poutine cristallise la méfiance sur le plan international. Mais à Saint-Nazaire, c’est encore l’enjeu industriel qui reste prédominant à une période où les cales sont – presque – vides. « À l’époque il n’y avait pas assez de travail, on en avait besoin même si on aurait préféré construire deux paquebots de plus », souligne Christophe Morel, élu CFDT pendant la période. Tout le monde sait que le marché est « très politique », parle d’un «contrat d’état à état». Le président Sarkozy lui-même est à la manoeuvre annonçant une décision « certaine » aux salariés de la navale lors d’un déplacement à Saint-Nazaire.

Fin du feuilleton

Le début du conflit en Ukraine et l’annexion de la Crimée en 2014 ont changé la donne. Mais,à ce moment, le plan de charge des Chantiers commence à se remplir. L’annulation de la vente et la revente à l’Égypte scellent la fin du feuilleton côté nazairien, permettant, selon Christophe Morel, « à tout le monde de sortir la tête haute».



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